Translation:
"One penetrates into the belly of a greenhouse by Rika Ohara (Californian of Japanese origin), when he suddenly understands that this seductive rosy mushroom is none other than atomic cloud. Destruction surrounds us."



















































Surprises et mélange des genres au Monaco Danses Dances Forum

L´hommage des Nijinskis à Merce Cunningham et les trésors d´imagination des créateurs multimédias.
Mis à jour le mardi 2 janvier 2001

MONACO de notre envoy´é spéciale

Fallait-il intégrer la soirée des Nijinskis, décernés pour la première fois à l´exemple des Césars pour le cinéma, à cette manifestation nouvelle intitulée Monaco Danses Dances Forum (MDDF) qui veut attirer les meilleurs au niveau international et les plus créatifs en choisissant pour thème principal l´avenir de la chorégraphie et les technologies (Le Monde du 14 décembre) ? D´un côté le Monaco tenue de soirée-cravate noire, de l´autre un Monaco qui souhaite moderniser son image en invitant les pionniers de la danse. Quoi qu´il en soit, l´opération danse-multimédia s´est révélée une réussite. Organisée par Jean-Marc Matos, chorégraphe situé au coeur des problématiques contemporaines, elle a su attirer l´internationale des artistes et des chercheurs interactifs. Pour ajouter à la confusion des genres, MDDF accueillait aussi la manifestation Dance Screen qui, chaque année depuis huit ans, élit les meilleures vidéos de danse. Parmi toutes ces propositions - Dance Screen, les Nijinskis, sélection multimédia -, sans hésitation, nous privilégions ce choix « multimédia » de quarante oeuvres vidéo ou Internet ou CD-ROM… Cette exposition, véritable partie de cache-cache dans le labyrinthe du Grimaldi Forum, demande que le spectateur participe, bouge à son idée à l´intérieur des installations pour transformer l´environnement, les images, les danses, ou qu´il clique pour aborder, dans le noir, des univers en 3D.

On pénètre dans la serre de Rika Ohara (Californienne d´origine japonaise) comme dans un ventre, quand on comprend soudain que ce séduisant champignon rose n´est rien d´autre qu´un nuage atomique. La destruction nous entoure.
On entre sans savoir chez l´Anglaise Victoria Watts, dans une pièce serrée comme une boîte noire, et l´on doit plonger la main dans un trou sombre pour atteindre la souris et, par ce moyen, le corps nu de la danseuse, qui réagit. Chaude, cette petite danse sur parties cliquées !

ÉMOTIONS INATTENDUES Gretchen Schiller et Susan Kozel (France - Etats-Unis) travaillent dans Trajetà la fois sur les perceptions perdues, et celles d´un corps numérisé aux sensations démultipliées, explorant les phénomènes de la chute et de l´envol. Des corps comme on ne les voit jamais, mais tels qu´on les désire souvent.

On est étonné par l´intimité que provoquent chez le spectateur ces nouveaux médias, et par les émotions inattendues qu´ils engendrent. Intrigués également par la volonté des artistes à se vivre avec modestie comme des collectifs de têtes chercheuses. A un moment où la danse contemporaine « traditionnelle » aspire à de nouvelles manières d´occuper l´espace, de représenter le corps, cette rencontre au sommet montre combien ces créateurs ont des trésors d´expériences à transmettre. « Je suis née avec ces technologies et c´est tout naturellement qu´ils font partie de ma chorégraphie », disait une jeune danseuse, tandis que Mark Coniglio, star américaine du mouvement, coauteur avec Daniel Stoppiello de l´installation The Chemical Wedding of Christian Rosenkreutz, insistait sur l´idée que l´interactivité est avant tout « surprise ».

Question surprise, le palmarès de Dance Screen en fut une plus qu´étonnante, en même temps que décevante : plus de cent soixante films visionnés pour accoucher d´une palme récompensant une danse animalière d´oiseaux multicolores, filmée par David Hinton, et tout bêtement intituléeBirds. On propose que Dance Screen s´appelle dorénavant Animal Screen.

Quant à la première soirée des Nijinskis en présence du prince Albert et de Caroline de Hanovre, elle était présentée pour être la cerise sur le gâteau, c´est exactement ce qu´elle fut. Pas plus, pas moins. Mais pas ennuyeuse pour un sou : rythme rapide, pas de remerciements ridicules et sempiternels « à son papa, à sa maman, etc. » ; pas de larmes non plus. Bref, de la tenue.

Points positifs : la grâce de Carole Bouquet qui menait le jeu, les décors sobres (mais si !) de Karl Lagerfeld, les images très joyeuses de la Cinémathèque de la danse, la présence magique des danseurs « génération Monte-Carlo », tels Jean Babilée, Cyd Charisse, Natalia Makarova. Points plus délicats : Sylvie Guillem, Nijinski de la danseuse, accepte son trophée, tout en prévenant « qu´elle est contre une manifestation qui favorisera le triomphe des spectacles commerciaux ». Jiri Kylian, dont par ailleurs on aime le travail, a tout raflé. Presque gêné, il partagea par la pensée ses trois prix avec William Forsythe, Pina Bausch et Mats Ek qui n´ont rien eu. Injustice qui prête à rire. Il faudra revenir sur le mode de sélection.

Merce Cunningham, splendide, présenté par un Robert Rauschenberg extrêmement mutin, évoquant le temps où l´oeuvre du chorégraphe et la sienne étaient rejetées, a été le seul ovationné debout sans qu´on puisse arrêter les applaudissements. Merce Cunningham, vrai prince de la soirée, déjà comblé d´honneur, riait comme un gosse avec son copain Bob.

Manquaient à cette fête les plus jeunes créateurs de danse contemporaine. Seuls le Flamand Wim Vandekeybus et le Canadien Edouard Lock ont été nommés pour le Nijinski du spectacle chorégraphique. Dans la salle aussi, on aurait voulu voir en plus grand nombre la jeune danse. A-t-elle seulement été invitée ? Il n´y a pas que les nommés qui comptent : un art s´enrichit de la participation de tous.

Palmarès des Nijinskis : danseuse, Sylvie Guillem ; danseur, Manuel Legris ; chorégraphe, Jiri Kylian ; compagnie Nederlands Dans Theater (compagnie de J. Kylian) ; spectacle chorégraphique, Jiri Kylian avec One of a Kind ; Nijinski spécial du jury, Merce Cunningham.Dominique Frétard



Le Monde daté du jeudi 21 décembre 2000